Une commune peut-elle améliorer le sort des femmes ? Bien sûr. "Les communes peuvent agir concrètement, notamment en créant plus de places de crèches et en organisant des lieux d'accueil pour femmes victimes de violence. Ceux-ci font cruellement défaut dans de nombreuses communes alors que les besoins sont criants", a expliqué Alice Bernard, conseillère communale PTB à Seraing, en déposant une motion ce lundi 25 février au conseil communal. Mais la majorité socialiste a joué les entourloupes pour échapper au débat.
Malgré l'égalité proclamée entre les femmes et les hommes, les femmes sont confrontées encore et toujours à de nombreuses difficultés et discriminations. Au travail, dans la famille, dans la rue. Les femmes restent encore aujourd'hui économiquement plus précaires que les hommes. Elles doivent se contenter de temps partiels souvent non volontaires. La différence de salaire entre hommes et femmes est encore de 20%. Les femmes bénéficient dès lors en grande majorité d'une pension plus faible que les hommes : 59% d'entre elles sont en dessous du seuil de pauvreté. Cette situation ne permet pas aux femmes d'être économiquement indépendantes ni de pouvoir s'impliquer dans une vie publique, artistique ou sportive épanouissante.
Grève des femmes le 8 mars : une première en Belgique
Mais les femmes ne se laissent pas faire et des mouvements se développent dans de nombreux pays pour réclamer une réelle égalité. Ainsi, en Espagne, en 2018, une grève générale a rassemblé 5 à 6 millions de femmes. En Inde, en janvier dernier, 5 millions de femmes ont formé une gigantesque chaîne humaine afin de défendre leurs droits contre une fronde des conservateurs religieux. En Belgique aussi, les femmes se mobilisent afin de combattre les violences faites aux femmes, exiger plus de services publics, des pensions décentes et la fin des discriminations.
Un appel à la grève est lancé pour le 8 mars prochain et invite toutes les femmes à cesser leurs activités afin d’envoyer un message fort à toute la société: “Si les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête”. Cet appel est soutenu par plusieurs centrales syndicales qui ont déposé un préavis de grève. La Ville de Seraing relaiera-t-elle cet appel auprès de son personnel ?
Lanterne rouge pour l’accueil des tout petits
Le nombre de places en crèches disponibles sur le territoire de la commune doit être d'urgence augmenté. Car tant qu'il n'y aura pas suffisamment de places disponibles et qu’elles ne sont pas financièrement accessibles, il est illusoire de croire que les femmes pourront réellement décider d'envisager une activité professionnelle, surtout durant les premières années de vie de leurs enfants.
A Seraing, pour 100 naissances, on compte 16,8% places d’accueil (au 31/12/2017, dernier chiffre officiel disponible) ce qui classe la Ville au dernier rang de l’arrondissement de Liège, dont la moyenne est de 29,8%. « J'ai vraiment du mal à concevoir que la deuxième ville de la province, même si le taux de couverture a augmenté de presque 5 % entre 2012 et 2017, ne puisse pas garantir un taux de couverture d'accueil du même ordre qu'une commune comme Herstal par exemple, explique Alice Bernard. Herstal a choisi d'agrandir ses infrastructures, elle abrite la plus grande crèche communale de Wallonie et est passée de 110 à 152 places au cours de l'année dernière. Les crèches de Seraing partagent le même projet pédagogique que celle d'Herstal, à la satisfaction de tous les usagers. Le taux de couverture dans l'arrondissement et la province de Liège est respectivement de 29,8 et 32,6 % (chiffres de l'ONE). C'est le taux de couverture que la Ville de Seraing devrait pouvoir offrir. La demande est là, il serait temps de stimuler une croissance des places d’accueil pour pouvoir répondre aux demandes et accueillir plus d'enfants. Il serait temps d'investir dans des projets qui répondent aux besoins des femmes et des familles dans leur quotidien. »
Besoin de refuge
Les femmes sont majoritaires parmi les victimes de violences intrafamiliales et sexuelles : 1 femme sur 3 est victime de violence de la part de son conjoint ou un membre de sa famille, 1 sur 4 a été forcée à avoir un rapport sexuel avec son conjoint. Mais les lieux d'accueil d'urgence font défaut dans de nombreuses communes, notamment à Seraing. Alice Bernard : « Les services PréVif et d'aide aux victimes fonctionnent bien, et c'est important de le souligner. Ce sont des services de prévention, d'écoute et d'orientation, qui permettent aux femmes de faire le point, de mieux connaître les ressources qui sont à leur disposition, d'entreprendre des démarches pour sortir de leurs difficultés. Mais en cas de crise aiguë, elles n'ont nulle part où aller. Je me souviens, dans le cadre de mon boulot, avoir dû chercher un endroit où héberger une femme et ses deux enfants de 6 et 4 ans. Elle avait réussi à échapper à la séquestration dont elle était victime. J'ai donné des dizaines de coups de fil, je l'ai moi-même accompagnée, après journée, dans trois endroits différents pour aboutir finalement à une solution provisoire à Verviers. C'est loin. Quand on sait qu'il y a en Wallonie 15.000 plaintes chaque année pour violence conjugale, serait-il osé d'espérer que parmi les nombreux projets immobiliers dont il est souvent question dans cette Ville il y ait un lieu qui pourrait accueillir ces femmes qui en ont besoin ? »
Oui, mais...
La réponse de l’échevine Julie Geldof ne commence pas trop mal. La Ville de Seraing a créé un Echevinat pour l’Egalité hommes-femmes en 2018. Sa première action sera la projection du film « Les suffragettes » à destination des jeunes en fin d’études secondaires, afin de remplir ses missions de sensibilisation. Elle estime que la grève est un droit individuel et annonce à titre personnel soutenir l’appel du 8 mars.
Mais… ouvrir un lieu d’accueil pour femmes victimes de violence et créer plus de places d’accueil en crèche serait réducteur par rapport à l’ensemble du travail qu’elle veut faire avec son équipe. Alors que le programme du PS pour les prochaines élections régionales prévoit comme une des 5 propositions phares (p. 233) : « Augmenter le nombre de places d’accueil pour victimes de violences, en particulier pour les femmes. », l’échevine socialiste serésienne estime que la motion du PTB n’a pas lieu d’être. Point. Les libéraux l’appuient et les élus Ecolo s’abstiennent. Dont acte. Les femmes, et les hommes qui les soutiennent, apprécieront.